Le légendaire marbre Italien
Sa moustache grise, blanchie par la poussière de marbre, Alvise Lazzareschi montre de la main la montagne, sa carrière de marbre. Il pointe un doigt vers l’horizon tourmenté par les falaises verticales des plateaux taillées comme au fil à plomb. Dans ces carrières de marbre de la région de Carrara (Italie) Michel Ange, venait y choisir des blocs de marbre. Il allait les utiliser pour exécuter les œuvres qui feront bientôt sa renommée mondiale.
- Moïse, du tombeau de Jules II dans la basilique Saint-Pierre de Rome
- David, qui après la façade du Palazzo Vecchio de Florence fut transféré dans l’Académie des Beaux-Arts de la ville.
- La Pietà, exposée dans une chapelle latérale à la basilique Saint-Pierre de Rome.
Les carrières de marbre un patrimoine ?
Installés depuis le XVe siècle au fin-fond de l’Emilie-Romagne, les ancêtres d’Alvise, auraient pu rencontrer le génie Florentin.
Dans ces carrières de marbre, on extrait du marbre d’une blancheur presque divine, depuis le premier siècle avant J.C. C’est ainsi que l’on peut admirer des monuments qui ont franchis les portes du temps.
- Le Colisée.
- L’arc de Titus.
- La colonne de Trajan.
- Les temples de la Rome antique etc…
Mais Alvise est préoccupé, il ne pense pas à tous ces chefs d’œuvre. Non, lui il pense à l’avenir.
Du travail pour deux cent ans
En regardant au loin, on peut voir la montagne et ses façades blanches comme coupées au couteau. Les engins de carrière se déplacent semblable à des insectes. Ils agitent leurs bras mécaniques et semblent animé d’une volonté féroce de grignoter les flans de la montagne de marbre. Le soleil, embrase dans un halo de feu les mouvements de ces minuscules machines. Les béances aveuglantes de blancheur font comme des taches de neige dans les flancs de la montagne légendaire.
Mais la beauté de ce spectacle semble bien indifférente à Alvise, il est songeur. Il pense à son entreprise…
Il fait partie des 1100 entreprises de la province de Massa-Carrara qui emploient de nombreuses personnes de la région. Elles donnent du travail aux 8000 personnes employés dans les carrières de marbre. Le chiffre d’affaire généré par son entreprise est de 3,8 millions d’euros pour l’année 2017. Ses prévisions pour l’année 2018 dépasseront probablement les 4 millions. Une belle progression pour une entreprise moyenne face aux conditions économiques d’un pays comme l’Italie.
Les carrières de marbre
« Tous le monde parle du marbre, En réalité on devrait dire « Les marbres » car leur diversité est semblable aux vins « .
Explique Alvise Lazzareschi il y a :
- Le Nero Ebano d’un noir intense.
- La couleur bleu Occhialino.
- Ou le jaune Giallo Sienna et il y en a d’autres…
Même s’ils diffèrent en qualité et en rareté, ils bénéficient tous de l’extraordinaire réputation du Bianco Carrara. Ce véritable « or blanc » assure la bonne santé financière de la région de Massa-Carrara. Pas moins de 10% des employés de cette région travaillent pour produire 13% de son produit intérieur brut. À elle seule, la ville de Carrare rassemble 22 % des salariés et produit 29 % de PIB.
« Il y en a encore pour 200 ans de travail ! »
Me dit Alvise en regardant une des montagnes,
« et il y a peut-être d’autres montagnes comme celle-ci, nous ne le savons pas encore ! »
Production des carrières de marbre
Chaque année, la vingtaine d’employés arrache 23 à 25 000 tonnes de marbre aux flancs de la montagne
Ces dernières années ont vu le marbre augmenter en notoriété.
Cette carrière, demeure d’une taille moyenne parmi les 35 carrières de marbre d’où sont extrait les marbres RESIMARMO®. À elle seule, elle produit 1/3 de la production de l’Italie. Elle se trouve juste avant la carrière de Vérone qui a à peu près le même rendement.
« Carrare, c’est un ticket de visite incontournable pour beaucoup de personnes. L’utilisation du marbre s’est démocratisée depuis quelques années. On ne fait plus l’étalage de sa richesse en posant du marbre chez soi et il n’est plus prestigieux socialement. Il est par contre, très souvent choisi par les architectes et les maitres d’œuvre pour recouvrir les décors d’intérieur.On retrouve ce marbre dans les salons, les cuisines ou les salles à manger. Les pays émergents réclament maintenant du marbre et de nouveaux marchés s’installent. L’Amérique latine, le Chili, le Pérou et même des pays asiatiques qui voient leurs conditions économiques exploser littéralement ».
Une longueur d’avance
À Vérone, le premier événement international du marché de la pierre (Marmorac) a vu se confirmer des chiffres impressionnants. Le marché n’a pas connu de crise, au contraire il a enregistré en 2017 sa sixième hausse consécutive. Avec un chiffre d’affaires global de 3 % sur la scène internationale il continue sur sa lancée. En effet plus de 300 millions de tonnes de pierre (23 milliards de dollars) se sont échangées.
Les exportations des carrières de marbre représentent plus de 60 millions de tonnes. Différenciées en deux grandes catégories :
- Matières premières.
- Matières transformées.
Le marché
Certains marchés ont quadruplés ces dernières années. Les six premiers mois 2017, le marché de l’export italien a augmenté de 3,3% dans presque toutes les régions. La production des carrières de marbre à aussi augmenté de 13,6 %, mais en quantité, elle ne suffira pas pour égaler la Turquie. Ce pays a exporté près de 42 % du marché mondial en 2016. L’Inde, le Pakistan et l’Iran se partagent le reste du gâteau avec 50 % à eux trois.
Mais la péninsule italienne continue d’avoir une longueur d’avance, dans un secteur de 3.300 entreprises et d’environ 34 000 salariés. La qualité s’avère de loin la meilleur. La diversité des marbres italiens attirent les acheteurs pour un chiffre d’affaire d’un milliard d’euros en 2017. Son aura dans le monde du design et dans l’architecture draine les donneurs d’ordre du monde entier. Ce gage de qualité remporte souvent la mise dans des construction de renommée mondiale. L’Arche de la défense à Paris ou la grande mosquée d’Abu Dhabi ou le mémorial du 11 septembre aux États-Unis.
La technologie avance dans les carrières de marbre
Les avancées technologiques ont permis de répondre à la demande de plus en plus pressante. Dans ces carrières de marbre, on a arraché les blocs de la montagne, aux pics et aux coins de bois. Et cela pendant des siècles.
Aujourd’hui on découpe ces mêmes blocs au fil hélicoïdale et au fil diamanté depuis les années 80. Cela rend l’extraction beaucoup plus facile et moins dangereuse.
« Ces dernières années on a produit plus de marbre que pendant les 2000 ans précédents ! Cela a donné une surexploitation des ressources naturelles, les humains sont parfois leurs propres prédateurs… »
Soupire Giuseppe Sansoni qui est à l’origine de plusieurs études pour l’association environnementale Legambiente.
On a multiplié par 30 en l’espace de quarante ans. Au dix-septième siècle on extrayait à grand peine cinq mille tonnes par année. De nos jours c’est cinq million de tonnes.
Ce sont surtout des granulats qui ont été extraits des carrières de marbre. Les blocs d’or blanc ne représentent que 20 % en moyenne de ce qui sort des carrières. Le reste est constitué de terres, de déchets, de poussières. À la moindre averse, ils finissent dans les ruisseaux, qu’ils salissent en leur donnant une teinte blanchâtre ou brunâtre. Les associations pour l’environnement ont très vite pris le problème comme cheval de bataille. On a vu ainsi des changements significatif dans le traitement de ces eaux usées.
La concurrence
Pourtant la production à chuté, durant les dernières années. Elle stagne à trois millions de tonnes par ans depuis ces quinze dernières années.
« Trop souvent la production part vers d’autres pays où la main-d’œuvre coute moins cher… »
Se lamente Giuseppe Sansoni, ajoutant :
« La ville de Carrare est l’une des trois villes les plus endettées de toute l’Italie. »
Effectivement les travaux de contournement de la ville par une nouvelle route pèsent sur les finances de la ville.
« Des pays comme la Chine, le Brésil ou l’Inde transforment à présent eux-mêmes leur production. Avant, ils l’envoyaient ici ! Ils démarchent ensuite des marchés, comme le marché américain, avec des tarifs deux à trois fois moins cher… »
« …Heureusement le savoir-faire Italien résiste bien à la concurrence de plus en plus aguerrie des pays émergents. On reconnait la qualité Italienne dans le monde entier… «
L’Italie se distingue
C’est donc sur les produits finis que les carrières de marbre italiennes réalisent des bénéfices conséquents. Dans la première décennie de 21ème siècle, les carrières de marbre italiennes ont produit pour près de deux cent millions d’Euros. Par contre les entreprises travaillant la pierre ont produit près de huit cent millions d’euros.
La Toscane a par ailleurs, forcé les exploitants de carrières de marbre, à transformer dans le pays la moitié de leur production.
« C’est évidemment l’avenir… »
Renchérit Erich Lucchetti.
Le pari est en partie gagné
Avec quarante pour cent du marbre travaillé sur place, l’objectif est en passe d’être atteint.
« Les carriers investissent à présent massivement pour se relancer sur un marché envahi par une concurrence féroce des pays émergents. Se maintenir et augmenter la qualité de nos produits finis voilà le leitmotiv pour mobiliser les force vives italiennes ! »
« Le marbre italien n’a plus seulement en face de lui d’autres marbres produits ailleurs. Il y à présent des produits nouveaux, artificiels comme certains types de quartz et même des céramiques. Ils viennent d’Israël, d’Espagne, de multinationales et même, excusez du peu, d’Italie.
Le secteur se consolide
On recherche déjà des architectes, des designers, des ingénieurs pour prévoir et répondre à la forte demande des marchés. Ce sont ces nouveaux métiers qui tireront l’Italie vers le haut et qui répondront aux besoins de nouveaux clients. Les carriers ont vu leur nombre divisé par 5 en 40 ans.
« Le secteur va finalement se consolider ! »
Annonce Erich Lucchetti.
« La technologie et ses évolutions ainsi que les nouvelles lois environnementales sonneront le glas des carrières de marbre trop petites. Celles qui ne prendront pas le train de la modernité en marche seront amenées à disparaître. Les carrières de marbre exploitant des gisements de moins bonne qualité seront laminées par le rouleau compresseur de la mondialisation…
De nouveaux pays producteurs
Cette consolidation est évidente au niveau mondial. De nouveau pays producteurs de marbre comme la Jordanie, l’Iran, le Maroc et même le Vietnam arrivent. La production se stabilisera et les produits finis iront en augmentant. C’est dans ces spécialisations que les marchés vont se transformer.
Le World Stone Report a estimé que la production des carrières de marbre du futur se fera plus restreinte. Un petit nombre de pays se partagera la production mondiale. On retrouvera les grands acteurs connus comme l’Italie et l’Espagne, mais aussi des acteurs plus récents. L’Inde, la Chine, le Brésil ou la Turquie se découvrent comme des acteurs en devenir. Pour conclure, l’Italie devra rester sur le qui vive et coller à son marché. Même si son légendaire marbre a fait les beaux jours de toute une civilisation. Rien ne dit que sa richesse restera toujours aussi prestigieuse.
Erick.
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